L’inondation chasse les transhumants à Mandjafa

En ce samedi 25 janvier 2025, le soleil est déjà haut dans le ciel, et il est exactement 13 heures. La chaleur se fait intensément sentir à Mandjafa. Ce jour-là, le village s’éveille dans une ambiance quotidienne et paisible. Dans la cour du chef, des femmes s’affairent à leurs occupations, tandis que des enfants courent joyeusement, créant une atmosphère animée et variée.

Assis sous son hangar, sur une natte de couleur jaune et recouvert d’un tapis rouge, Ali Mahamat, chef des éleveurs arabes, est entouré de ses frères. Face à la caméra de la télévision Électron TV, il partage son histoire. Cet environnement m’a permis de comprendre qu’il se passe quelque chose de particulier, attirant l’attention des médias et de nombreuses personnes venues s’informer.

Avec un visage empreint de tristesse, Ali Mahamat déclare : « Cette année, l’eau nous a menacés. Nous sommes restés comme des oiseaux perchés sur un arbre, incapables de bouger. » Il poursuit en expliquant combien il a été difficile pour eux de trouver de quoi nourrir leur bétail. En plus de cela, les animaux ont dû faire face à des maladies causées par les inondations. Les espaces de pâturage étant complètement submergés, l’État a envisagé de les déplacer derrière le stade, raconte-t-il. Cependant, il précise que cet espace ne leur était pas réellement destiné, car après l’inondation, ils ont été chassés par les propriétaires des terres. « Il était difficile pour nous de trouver un équilibre. Nous avons fini par nous installer au bord de la route goudronnée, même si l’espace est très restreint pour nous », ajoute-t-il avec résignation.

Face à la montée des eaux du fleuve Chari et du Logone, le chef des éleveurs arabes explique que leur déplacement est devenu extrêmement difficile, les obligeant à laisser une partie de leurs animaux à Ati. La présence excessive de l’eau a obstrué les couloirs de transhumance, pourtant essentiels durant cette période de l’année. Pour ces éleveurs, cette abondance d’eau entraîne également des maladies parmi leurs animaux, ce qui constitue l’une des principales causes de la perte de leur bétail chaque année. Il ajoute que lorsque les couloirs sont bloqués, ils sont contraints d’emprunter d’autres chemins, qui les mènent parfois à travers des habitations ou des champs agricoles, provoquant ainsi des conflits entre agriculteurs et éleveurs. « Lorsqu’un problème survient, nous sommes souvent les premiers accusés, car nos animaux ont brouté les semences des agriculteurs. Il est difficile de contrôler un grand nombre d’animaux lors des déplacements », explique-t-il. Il précise également que les couloirs de transhumance, qui relient N’Djamena à Faya, ne leur permettent pas de se rendre jusqu’à Ati, car il n’existe aucun couloir entre Oum Hadjer et leur région. Par conséquent, ils sont obligés de traverser des petites rues, ce qui complique encore davantage leur situation.

Discrimination dans un environnement urbain

Touchés par les inondations, les éleveurs transhumants arabes ont également besoin d’aide. Cependant, la plupart du temps, lorsque des ONG ou parfois l’État apportent des secours à la population, ils sont souvent oubliés. Ali Issa, désespéré, le visage marqué par l’épreuve et la voix empreinte de colère, déclare : « Aujourd’hui, il est clair que nous gardons nos peines et nos joies pour nous, car il ne sert à rien de les partager avec des personnes qui viennent s’enquérir de notre vie sans apporter de solutions à nos problèmes. Chaque fois que l’État ou les ONG distribuent de l’aide, que ce soit de l’huile, de la nourriture ou même de l’argent, nous sommes traités différemment, comme si nous n’étions pas Tchadiens. » Ces éleveurs, à la recherche de nouveaux pâturages, trouvent que l’environnement urbain est loin d’être accueillant. Ils sont profondément affectés par la discrimination qu’ils subissent au quotidien dans la société.

Lors de mon reportage, je me suis entretenu avec un vieil homme de la localité, installé non loin de la route goudronnée, entouré de son jardin. Assis sur sa chaise, il m’a confié : « Il est difficile de collaborer avec les éleveurs. Leurs animaux détruisent nos arbres, ce qui crée constamment des tensions. Nous ne voulons pas qu’ils s’approchent de nous. » Selon lui, la cohabitation avec ces éleveurs est compliquée, notamment en raison de leurs difficultés à comprendre les enjeux locaux. En cas de différend, il affirme que les éleveurs refusent souvent de reconnaître les dommages causés par leurs animaux.

Le stade de Mandjafa en finition : quel avenir pour les éleveurs ?

Alors que le stade de Mandjafa est en phase de finalisation, une question cruciale se pose : après son inauguration, ce quartier continuera-t-il à accueillir les éleveurs transhumants ? Quelle sera la vie de ces éleveurs qui s’installent chaque année à Mandjafa dans les années à venir ? Ces interrogations soulignent les défis persistants auxquels sont confrontés ces éleveurs, pris entre les aléas climatiques, les conflits sociaux et un avenir incertain.

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